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Publié le 01/09/2025

Le black-out ibérique : une alerte sérieuse pour l’avenir du système électrique français

En mai 2025, le CSEC d’EDF a mandaté une expertise approfondie afin de comprendre les causes profondes du black-out historique qui a plongé l’Espagne et le Portugal dans le noir pendant plusieurs heures le 28 avril. Ce rapport, rédigé par le cabinet Degest et enrichi des premiers éléments du Conseil de sécurité nationale espagnol, éclaire les enchaînements techniques, humains et politiques qui ont conduit à l’effondrement d’un système électrique national.

Un effondrement systémique en quelques secondes

À 12h33, 15 GW de production se sont évaporés du réseau espagnol en l’espace de cinq secondes, provoquant la déconnexion de la péninsule Ibérique du reste de l’Europe, puis l’arrêt en cascade de la quasi-totalité des moyens de production. Au total, 60 millions de personnes ont été privées d’électricité entre 10 et 20 heures, paralysant l’ensemble des activités économiques et sociales : transports, télécommunications, commerces, hôpitaux, etc.

Des causes structurelles multiples et inquiétantes

L’analyse met en évidence un cocktail explosif :

  • Une part très élevée d’énergies renouvelables intermittentes (plus de 70 % au moment du black-out), à faible inertie.
  • Une capacité insuffisante de réglage de la tension et de gestion de la puissance réactive.
  • Un réseau mal préparé aux fluctuations brutales, amplifiées par l’absence de production pilotable et la faible disponibilité des moyens thermiques et nucléaires.
  • Une désynchronisation avec la France, aggravant l’instabilité régionale.
  • Des outils de surveillance et des réactions d’opérateurs trop lents face à un phénomène très rapide.

Au-delà de la nature exacte du déclencheur (variation brutale de la production solaire, incident réseau ou autre), c’est l’absence de robustesse du système qui a précipité l’effondrement.

Un avertissement pour la France

Les enseignements pour la France sont clairs. Si notre système reste plus robuste grâce à un mix énergétique équilibré et à une forte inertie apportée par les centrales pilotables (notamment nucléaires et hydrauliques), la trajectoire actuelle de la politique énergétique française — notamment l’augmentation massive de la part des énergies renouvelables intermittentes — pourrait rapidement réduire ces marges de sécurité. Selon les scénarios de RTE, la production solaire et éolienne sans inertie pourrait dépasser les 60 % de la consommation pendant plus de 2 000 heures par an d’ici 2035, augmentant fortement les risques d’instabilité. La France pourrait alors, à son tour, être confrontée à un risque de black-out.

Des coûts économiques colossaux

Les conséquences économiques du black-out ibérique sont estimées entre 1,6 et 4,5 milliards d’euros pour l’Espagne. En France, une panne similaire toucherait des régions comme la Bretagne ou les Pays de la Loire, avec des pertes estimées à 750 millions d’euros en 24 heures. Plus largement, c’est l’ensemble de l’économie nationale et le fonctionnement de l’État qui seraient menacés.

Un impératif de stratégie nationale cohérente

Le CSEC rappelle que l’électricité est un bien vital, non substituable, indispensable à la vie moderne. La sécurisation du système ne peut être un sujet secondaire. Elle doit intégrer :

  • Une planification énergétique réaliste, tenant compte de l’inertie et de la réactivité nécessaires au réseau.
  • La reconnaissance et la rémunération des services d’inertie apportés par les moyens pilotables.
  • Le maintien de capacités de production pilotables disponibles à tout moment.
  • Une coordination européenne renforcée, aujourd’hui largement déficiente.

Conclusion

Ce black-out ibérique est un signal fort. Il révèle les limites physiques d’un système électrique poussé à ses extrêmes dans la transition énergétique. La France doit tirer les leçons de cet événement et adapter sa stratégie pour ne pas en subir demain les mêmes conséquences. Le CSEC alerte solennellement : l’inaction ou les choix à courte vue pourraient coûter bien plus cher que les investissements nécessaires à la sécurité du système.

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