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Précédent Accueil / Eclairages / #12 Avril 2025 / Réorganisation des Métiers du Numérique - Étude du Cabinet DEGEST

Réorganisation des Métiers du Numérique - Étude du Cabinet DEGEST

Quels impacts sur les professionnels du numérique ?

La lutte contre le changement climatique contraint les entreprises à mettre en place des actions essentielles pour parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. Leader de son secteur, de nombreux défis sont à relever au sein du Groupe EDF : électrification des usages, maîtrise de la consommation d’énergie, exploitation durable du parc existant, développement de nouveaux réacteurs, énergies renouvelables et solutions de flexibilité, etc. Le numérique est présenté comme un levier majeur pour répondre à ces enjeux. 

Ainsi, lors de la séance du CSEC du 22 mai 2024, la Direction du Groupe a dévoilé un projet de réorganisation des métiers du numérique qui prévoit la création de nouvelles entités au sein de la DTEO, une Division numérique supplémentaire au sein de la DPNT, les fermetures des établissements UNITEP et DSIT et le transfert de ses salariés dans de nouvelles entités créées au sein de la DTEO (direction Transformation et Efficacité Opérationnelle) et de la DPNT (direction du Parc Nucléaire Thermique). Afin d’en mesurer les conséquences sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés concernés par ce nouveau projet, le cabinet Degest a été mandaté par le Comité pour produire un rapport d’expertise.


Quelle organisation actuellement ?

Aujourd'hui, la gouvernance de la filière numérique est assurée par la DSI Groupe. Deux opérateurs gèrent les télécoms : la DSIT, rattachée à la DTEO (direction Transformation Efficacité Opérationnelle) et opérateur IT de référence du Groupe EDF, pour les télécoms bureautiques. Et l'UNITEP (Unité Nationale des Technologies Numériques pour le Producteur), rattachée à la DTEAM (direction Thermique Expertise et Appui industriel Multi Métiers) au sein de la DPNT (direction de la Production Nucléaire et Thermique) pour les télécoms industrielles, notamment dans les domaines du nucléaire, du thermique et de l'hydraulique.


Et demain ?

Les entités DSIT et UNITEP sont performantes. Mais selon la Direction, il existe encore des marges d’amélioration. La réorganisation de la filière numérique vise à renforcer ces performances en s’appuyant sur des centres de compétences et en adoptant une approche client-fournisseur. Cette stratégie a pour objectif de garantir des services intégrés et efficaces, tout en respectant le principe de subsidiarité pour la construction, la maintenance et le support des SI métiers. Avec le projet de réorganisation, cette organisation sera remplacée avec la création de quatre nouvelles entités, en plus d’une cinquième à la DPNT :

● La DGGSN. Suite au renforcement de la gouvernance numérique au sein de la DSIG qui changerait de nom et deviendrait la direction Groupe Gouvernance et Stratégie Numérique (DGGSN)

● Trois nouvelles entités créées au sein de la DTEO

  1. La DIGIT (direction OpératIons Groupe Informatique et Télécoms). Un opérateur unique visant à centraliser la gestion du système informatique et offrir des services optimisés aux utilisateurs en passant par les réseaux de communication entre autres.
  2. Un Centre d’Excellence Cyber. Il vise à consolider les expertises en cybersécurité, regrouper les forces dans ce domaine, et renforcer la capacité à répondre aux menaces tout en assurant une vision globale de la situation cyber.
  3. Un Centre d’Excellence DATA, IA et développement. Il permettra de relever les défis liés à la DATA et à l’IA en standardisant et industrialisant les plateformes de données, l'innovation et l'exploitation des technologies d’IA.

● La DPNT. Une division numérique y sera créée pour délivrer le programme Vision 2035, le maintenir dans la durée, le piloter et mettre en œuvre la stratégie numérique en tant qu’entité intégrée.

Le projet de réorganisation ne concerne que 50 % des effectifs de la filière numérique, les directions des autres entités s’inscrivant déjà dans les grands principes d’organisation et de fonctionnement de la filière, selon la Direction. L’organisation IT de la DPNT est particulière, avec une DSI (la DSIN ou direction Systèmes d’Information et Numérique) et un opérateur (l’UNITEP) partageant une partie du SIT (Service Informatiques et Télécom) avec la DSIT. Cette structure résulte de l’évolution historique de la DSI chez EDF. Concernant les effectifs impactés pour le projet, il devrait y avoir 90 mouvements entre les structures de départ et d’arrivée : 39 concernent l’UNITEP ; 29 pour la DTEO ; pour la DSI Groupe ; 11 pour la DSIN et la M-SID (Mission Systèmes d’Information et Digitalisation).


Que dit le rapport d'expertise du CSE CENTRAL ?

La Direction soutient que le projet n’aura pas d’impact sur la santé au travail, en mettant en avant des arguments optimistes sur les risques psychosociaux et les conditions de travail. Selon elle, la réorganisation renforcerait les perspectives de carrière et l’épanouissement professionnel. Elle serait bien reçue et attendue par les agents, car porteuse de sens, et présenterait peu de risques, les agents étant habitués aux changements. 

Mais qu’en est-il vraiment sachant que les études d’impacts ont été réalisés à partir du retour d’ateliers menés avec les salariés en avril 2024 ? Puisqu’à ce moment, les agents concernés n’avaient pas connaissance des détails du projet. Seuls les objectifs généraux leurs avaient été présentés. D’autre part, l’organisation cible a été décidée par les dirigeants et les managers intermédiaires, sans consulter les employés. Or, il aurait été préférable d’intégrer les concernés dans la discussion pour prévenir les risques professionnels, surtout les risques psychosociaux.


Quels impacts sur les conditions de travail ?

L’analyse du projet de réorganisation révèle des facteurs organisationnels et relationnels pouvant affecter la charge de travail des salariés. Il y a une complexification potentielle du travail due à l’évolution des processus avec l’intégration du bout en bout, et la création des BPDO (Business Process et Data Owner). Il existe un risque probable d’intensification du travail pour les agents, lié au renforcement du rôle des clients dans le processus de production. Il pourrait aussi y avoir un risque possible d’intensification du travail en raison de la volonté d’industrialiser les méthodes et outils numériques. L’amélioration de la performance globale et la rationalisation de l’usage des outils informatiques visent à réduire le recours aux prestataires externes.

Enfin, la mise en œuvre du projet pourrait entraîner une charge de travail importante pour les agents. La mise en place de plusieurs projets de réorganisation en peu de temps à l’UNITEP et à la DSIT fatigue certains agents qui attendent une organisation stable. D’autres espèrent que les avantages des réorganisations précédentes seront maintenus dans le nouveau projet de transformation.


Quels impacts sur les fonctions support avec la réorganisation ?

Les métiers les plus impactés par la réforme de la filière numérique seront probablement les fonctions d’appui. Pour les fonctions support, certaines situations seront dégradées et conduiront à un risque de surchauffe organisationnelle dès la phase de transition. Généralement mises de côté dans les projets de réorganisation, elles seront directement impactées et auront la responsabilité de préparer, d’organiser et de gérer le back office de ces transformations tout au long du processus. Dans la présentation du projet, la Direction ne donne aucune information sur la manière dont le nombre de ressources nécessaires à la gestion des directions évolueront.


Des risques pour la santé au travail

Selon le rapport, les réorganisations peuvent avoir plusieurs impacts sur la santé au travail, notamment :

  • le risque de dévalorisation et de perte d’intérêt pour le travail. Les agents pourraient se sentir moins valorisés et perdraient ainsi leur motivation. Surtout si les tâches deviennent moins intéressantes ou si leurs compétences ne sont pas reconnues ;
  • la centralisation du processus décisionnel qui suscite des avis partagés. L’agent n’aurait plus son mot à dire sur la réorganisation avec des décisions prises directement par la Direction avec les managers. Ce qui pourrait provoquer chez certains agents quelques frustrations et entraîner un sentiment de manque de considération ;
  • un risque de désengagement et de rupture du contrat psychologique qui se traduirait par un désintéressement voire une perte d’engagement envers l’Entreprise ;
  • le risque de délitement des collectifs par des déconstructions et reconstructions des équipes. Lorsque les services sont constamment réorganisés, cela a pour conséquence de nuire à l’esprit d’équipe ce qui rendrait plus compliqué la collaboration entre les salariés ;
  • le risque d’efforts de réadaptation coûteux pour la santé psychosociale des salariés. Cela entraîne généralement du stress, de l’anxiété et d’autres problèmes de santé mentale qui pourrait nuire au bien-être général et à la performance au travail.


Conclusion

Selon le rapport, le projet de réorganisation des métiers du numérique présenté par la Direction semble logique et cohérent dans sa structuration « macro-organisationnelle ». Néanmoins, il soulève de fortes interrogations dans son application « micro-organisationnelle ». Il est donc important de considérer non seulement ses ambitions, mais aussi les conséquences observées jusqu’à maintenant. 

Le projet se déroule en deux phases. La première étape consiste à concevoir l’organisation, durant laquelle les représentants du personnel sont informés et consultés. La seconde étape, qui n’a pas encore eu lieu, concerne la mise en œuvre opérationnelle de l’organisation, sans consultation des représentants du personnel. 

Cette méthode de déploiement rend difficile l’évaluation des impacts sur la santé des agents concernés. Le cadre organisationnel est défini et les transferts sont effectués, mais les modalités pratiques de réalisation du travail dans ce nouveau cadre ne seront définies que plus tard.