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Précédent Accueil / Eclairages / #12 Avril 2025 / Intégration de l'IA Générative à EDF - Interview du Cabinet TWISTING

Intégration de l'IA Générative à EDF - Interview du Cabinet TWISTING

EDF est une entreprise qui mise beaucoup sur la formation de ses salariés. Mais depuis avril, Copilot est mis à leur disposition sur VEOL, sans qu’il n’y ait eu au préalable une quelconque formation pour la prise en main de l’outil. Pourquoi selon vous ?

ChatGPT a été dévoilé au grand public le 30 novembre 2022, et de nombreux salariés du Groupe ont commencé à l’utiliser depuis leur ordinateur. La direction Informatique d’EDF a constaté plus de 10 000 connexions régulières par jour, ce qui posait un problème de sécurisation, car ChatGPT est sur le cloud. La Direction ne savait pas ce que faisaient les salariés sur ChatGPT, ce qui présentait des risques potentiels de fuite de données. Il fallait donc trouver une solution rapide. Microsoft a proposé de fournir gratuitement Copilot, une version réservée de ChatGPT, qui reste sur les serveurs d’EDF, tout comme la suite Microsoft Office. 

La Direction du Groupe EDF a simplement voulu répondre à une demande observée par l’usage de ChatGPT. Ils ont voulu bien faire en essayant de trouver une solution sécurisée qui répondait à cette demande des salariés. Cependant, ils ont été un peu trop rapides et ont omis de penser à la formation nécessaire pour l’appropriation de ces nouveaux outils. Aujourd’hui, il n’y a pas un article de presse qui ne parle de l’IA générative ou de l’IA en général. 

Pendant l’expertise commandée par le CSE Central, de nombreux salariés interrogés sur leurs attentes vis-à-vis de ces IA se sont montrés très enthousiastes et intéressés, mais ont souligné qu’une formation était nécessaire pour mieux appréhender l’outil.


Quels sont les secteurs de métiers à EDF où les risques liés à l’utilisation de l’IA générative sont les plus élevés ?

C’est une question difficile à répondre aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que les usages réels de l’IA générative (IAg) à partir d’un logiciel vraiment conçu pour les métiers sont encore en pleine évolution. De manière générale, nous avons toujours eu du mal à évaluer précisément l’impact de l’informatique et du monde numérique sur les métiers. On sait que cela les transforme généralement plus que cela ne les remplace. La question qu’il faut vraiment se poser, c’est : « Comment ces outils vont-ils transformer les métiers ? ».

Les secteurs où les risques de l’utilisation de l’IA sont les plus élevés à EDF sont notamment Commerce, tous les métiers liés à la Communication, aux Achats ou encore au Juridique. Mais c’est l’utilisation que nous en ferons et l’intention qui la motive auxquelles il faut prêter particulièrement attention. 

Aujourd’hui, on observe que certaines entreprises utilisent l’IAg comme prétexte pour licencier. Elles justifient souvent ces licenciements par la nécessité de moderniser l’Entreprise et d’améliorer son efficacité face à un environnement concurrentiel accru, notamment dû à son déploiement. C’est le premier problème. Le deuxième concerne les métiers déjà précarisés, comme celui de traducteur. Ces outils sont très performants en traduction. Sous prétexte que l’IA faisait mieux, les traducteurs ont vu leur mission se réduire et leur coût tarifaire diminuer, alors qu’on leur demande maintenant de relire la production des IA génératives, ce qui est plus pénible que de traduire directement. Même chose pour le métier de codeur. L’IAg est très performante pour aider à écrire du code, mais un peu moins quand il faut penser un plan de code. On garde l’idée que ces IA peuvent tout faire, donc les prix seront négociés et il y aura moins de missions. On le constate dans certaines entreprises, il est donc nécessaire que les élus et toutes les instances représentatives des salariés d’EDF suivent le déploiement de ces IA, non pas pour les interdire, mais pour bien évaluer où se situent les risques.


Et quelles sont vos recommandations pour minimiser les impacts négatifs concernant l’utilisation par les salariés de l’Entreprise de Copilot ?

Il faut d’abord les identifier. C'est là que la formation devient importante. Il faut créer des groupes d'utilisateurs pour obtenir des feedbacks réguliers et déterminer où se ils situent. Il y a un risque de « multitâches ». On se débarrasse de certaines tâches tout en étant en réunion par exemple. On fera aussi moins appel à des prestataires. Il y aura un impact direct sur tout l’écosystème. Il peut aussi y avoir un impact sur le salarié, car même si on fait appel à des prestataires, il restera toujours des tâches à accomplir puisque l’IA ne fera pas tout à sa place. Il y aura certainement des économies sur des prestations extérieures, mais du coup, la part résiduelle des tâches va quand même revenir au salarié.

C’est très compliqué d'identifier soi-même les zones de risques sur un outil qui nous apporte plein de bénéfices. Il faudra donc identifier les risques, ce qui permettra deux choses : d’abord de les anticiper. Et aujourd’hui, ces risques sont très psychosociaux. La deuxième chose, c’est la réduction des aides autour du salarié. Je sais que dans l’Entreprise, il y a une forte culture de l’entraide, grâce notamment aux nombreux experts qui aident leurs collègues. Si les IA remplacent ces experts, cela ne risquet-il pas de menacer cette culture ? Les experts seront toujours utiles. Il faudrait plutôt utiliser les IA pour les rendre encore plus puissants et renforcer leur capacité d’aide.

Ce serait une bêtise de supprimer ces postes-là. Il faudra donc regarder l'utilisation de ces IA pour identifier les risques et les opportunités car elles peuvent aider l'Entreprise à être plus performante. Les salariés soutiennent cette performance, mais c'est l'Entreprise qui doit être performante. Sinon, il y a un vrai risque d'isolement, justement, des métiers, des salariés dans les équipes. Il y aura certainement des changements dans la manière de travailler ensemble.


Comment l’IA générative influencera-t-elle les conditions de travail, telles que la charge de travail ou l’environnement ?

Elle a été pensée pour alléger la charge de gestion d'informations. En anglais, « intelligence » c’est la gestion des données, ce qui est différent de notre conception de l'intelligence. Elle est géniale pour gérer la data (donnée) par exemple. Car derrière la data, c’est toutes les données de l’Entreprise. Mais aussi, le patrimoine de savoir-faire de l’Entreprise. C’est très important pour une entreprise comme EDF où les anciens partent et de fait, emmènent avec eux leurs expériences et leur savoir-faire. Il est important de sauvegarder ce patrimoine de données et de connaissances des générations qui nous ont précédés. Autre exemple, l'intelligence artificielle permettra de mieux maintenir les outils de production. Bien gérer les données permet, par exemple, de prédire une panne, ce qui est crucial dans votre secteur. C'est de l'anticipation, de la prédiction et une gestion optimale des ressources de l'Entreprise pour qu'elle reste concurrentielle sur un marché difficile et pour qu’elle puisse garder la valeur pour qu'elle soit mieux redistribuée. Ces IA ont été conçues pour bien gérer la donnée et augmenter cette connaissance à partir de la donnée. Le salarié a été embauché pour ses compétences, qui doivent évoluer et être maintenues grâce aux formations et aux missions données dans de bonnes conditions au sein de l'Entreprise. C'est collectivement que l'utilisation des IA doivent être décidée, en tenant compte du bien-être au travail, de toutes les bonnes conditions de travail. Il est important de ne pas fragiliser ces aspects. La performance de l'Entreprise doit également être prise en compte. Ce sont ces trois éléments – le bien-être au travail, les bonnes conditions de travail et la performance de l’Entreprise - qui doivent être réfléchis pour développer des IA plus pertinentes.

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